„Sans aucun doute, elle faisait partie des domaines lacustres les plus précieux de la région de Starnberg sur le plan architectural. On pourrait même dire qu’il s’agit de l’une des villas les plus importantes de la grande région de Munich. “
Gerhard Schober
Expert de l’histoire
Lorsque le EUROPEAN HERITAGE PROJECT a racheté le Palais Sonnenhof de Starnberg en 2002, cette imposante villa historiciste était littéralement en ruine, le parc environnant et les aménagements de jardin associés étaient entièrement délabrés. Un quart de siècle de négligence et divers plans non réalisés ont clairement laissé leur marque et ont eu pour effet que la structure noble et robuste de la villa a fini par céder la place à une apparence sombre et sinistre. En 1990, le bâtiment était vacant et n’était utilisé qu’occasionnellement comme lieu d’événement ou de tournage.
Le Palais Sonnenhof est un bâtiment qui représente clairement l’apogée de la transformation du lac de Starnberg de la retraite ducale réservée à la noblesse bavaroise en une zone de loisirs ouverte et une résidence secondaire pour les classes moyenne et supérieure de Munich. La villa abrite également dans ses murs l’histoire de l’époque d’avant la Première Guerre mondiale et d’après la Seconde Guerre mondiale, une époque qui a apporté beaucoup de changements et de bouleversements dans toute l’Europe.
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A cette époque, le Palais Sonnenhof changea à nouveau de propriétaire lorsque von Bernstorff le vendit à Ernst Walz, maire de Heidelberg, et à sa famille.
Aujourd’hui, les murs du Palais Sonnenhof racontent leur version d’une époque de bouleversements et de changements sociaux dans l’histoire allemande. Ainsi, lors de son acquisition en 2002, le Projet du patrimoine européen a clairement défini comme mission de restaurer le Palais Sonnenhof comme l’un des symboles culturels et des figures d’identification les plus importants de la région.
SITUATION AU MOMENT DE L’ACHAT
Au moment du rachat par le EUROPEAN HERITAGE PROJECT en 2002, le Palais Sonnenhof avait subi les pertes de grandes parties de sa structure après avoir été administré pendant des dizaines d’années par la municipalité de Starnberg et l’intervention de divers spéculateurs et investisseurs. En effet, le domaine était laissé à l’abandon du fait de projets avortés et de décennies d’inactivité. Ainsi, non seulement la villa mais également le parc jadis somptueux étaient dans un état pitoyable. Pendant la période où le palais se trouvait sous administration communale, la moitié inférieure des espaces verts a été divisée et des immeubles à vocation locative de plusieurs étages y ont été construits. En même temps, sur une partie des terres appartenant au domaine, on construisit une pépinière, sur une autre la clinique Starnberg. Peu sûre de l’avenir du palais Sonnenhof, la municipalité avait vendu le reste de la propriété y compris la villa à un groupe d’investisseurs ambitieux. Animés par l’intention d’en faire un hôtel ou une résidence pour personnes âgées, ceux-ci ont déposé les plans pour plusieurs projets, sans qu’aucun d’entre eux ne vît le jour. Hormis les tournages occasionnels de films pour lesquels le domaine a servi depuis les années 90, le bâtiment est resté inoccupé. Inspiré par les modèles anglais d’architecture paysagère, le parc ne correspondait plus à ce qu’on avait envisagé à sa création. C’est ainsi qu’au moins une partie des terres perdues a dû être rachetée par le EUROPEAN HERITAGE PROJECT après le rachat.
De même des bâtiments annexes, comme les conciergeries au sud-est ont dû être rachetées en plus du rachat du palais.
DOMAINE: DES CHIFFRES ET DES DONNÉES
Le Palais Sonnenhof, aussi appelé Villa Böhler ou Villa du comte Bernstorff, fut construit en 1912 sur la partie haute du mont Hanfelder Berg dans un style baroquisant. De son point le plus élevé, il jouit de la vue panoramique de toute la chaine alpine de Berchtesgaden au lac Constance.
La villa qui est classée monument historique se situe dans la ville de Starnberg en Bavière du sud, au nord du lac du même nom et à l’ouest du parc naturel Leutstettener Moos. Un modèle très détaillé de la villa et de son parc tels qu’ils étaient au début des années 1920 est exposé au musée « Museum Starnberger See ». Le parc s’étendait autrefois sur une surface de 6,4 hectares, dont il ne reste aujourd’hui que 3 hectares environ. Il existe d’autres éléments du parc arrangés en forme de trapèze ou de cascades comme une fontaine, un rempart et un pavillon ouvert. Sur le domaine du Palais Sonnenhof qui s’étend sur une surface exploitable d’environ XX mètres carrés, on compte plusieurs bâtiments annexes que le EUROPEAN HERITAGE PROJECT a pu ajouter au domaine par rachat. Derrière le portail d’entrée donnant sur la rue Hanfelderstraße se trouve la maison du gardien et du jardinier ainsi que les anciennes écuries et la remise pour les carrosses. Les bâtiments annexes qui se trouvent au même niveau que la Hanfelderstraße sont à peine visibles à vue d’oiseau et permettent ainsi d’attirer le regard sur la villa située plus en amont.
HISTOIRE
19ème siècle : D’un village de pêcheurs au domicile de villégiature de la bourgeoisie munichoise
La ville de Starnberg s’est formée par la fusion de deux villages voisins marqués par des secteurs économiques bien différents. Le vieux village au sud du château, Achheim était plutôt un village de pêcheurs. Dans la partie nord du Bas-Starnberg s’étaient par contre surtout installés des artisans et serviteurs de la cour munichoise. Après le départ de la haute noblesse après l’apogée de Starnberg entre le 16 et le 18ème siècle, la ville vécut une phase plus calme dès la fin du 18ème. Ainsi Starnberg perdit peu à peu son titre de résidence d’été de la dynastie des Wittelsbach puisque la cour munichoise préférait dès lors les châteaux de Berg et de Possenhofen et leurs fêtes fastueuses.
Au début du 19ème siècle, différents biens immobiliers de Starnberg se transformèrent en petites propriétés familiales pour nobles. Des familles bourgeoises aisées découvrirent la beauté du paysage tout autour du lac Würmsee et firent construire sur les bords du lac leurs premières résidences d’été. Autour du lac se remplirent alors les quelques parcelles vacantes sans pour autant créer un ensemble architectural cohérent.
Beaucoup des terres très convoitées par la suite étaient encore disponibles à cette époque. Le quartier Vogelanger et la partie sud de Schlossberg se développèrent tandis qu’un premier complexe immobilier de villas et palais s’installa sur la rue Weilheimer. Dès le milieu du 19ème siècle, l’inspecteur de l’urbanisme Johann Ulrich Himbsel (1787-1860) qui s’était déjà installé en 1827 sur le lac de Starnberg donna le réel coup d‘envoi du spectaculaire développement du village de Starnberg en lançant tout d’abord la navigation à vapeur sur le lac. Himbsel comprit très vite l’importance économique que pouvait apporter un lien entre grande ville toute proche et nature sauvage. On inaugura en 1851 « Maximilian »,
le premier bateau à vapeur pouvant accueillir 300 passagers. De nombreux passagers qui voyageaient à travers le parc de Forstenrieder accompagnés de leurs calèches et charrettes accueillirent avec joie cette nouvelle activité de loisirs. Pour améliorer le taux de remplissage, Himbsel se lança à ses propres frais dans la construction d’une ligne de chemins de fer entre Munich et Starnberg. Tirant avantage de l’inauguration de la ligne de chemins de fer en 1854, le village connut alors une croissance jamais vue jusqu’alors et devint ainsi une des villes du lac les plus importantes du 19ème siècle.
De 1912 à 1920: Le fleuron d’une architecture représentative : entre idylle familial et collection d’arts
En 1912, l’important marchand d‘antiquités munichois et antiquaire de la cour bavaroise Julius Böhler (1860-1934) réussit à acheter un des derniers terrains très prisés de Starnberg dans les hauteurs sur le mont Hanfelder Berg. En outre, l’an 1912 apporta un tournant décisif pour Starnberg puisqu’on « classa alors la commune rurale de Starnberg dans la catégorie de ville ».
Julius Böhler avait fait construire, en 1900 déjà, une villa dans le style architectural « heimatstil »dans la rue Josef-Fischhaber à Starnberg. L’ancienne Villa Böhler attire les regards encore aujourd’hui avec sa façade de style Néo-Renaissance et ses petites tours néo-gothiques. Cependant après tout juste dix ans, cette villa ne correspondait déjà plus aux goûts exclusifs de l’antiquaire. En effet, dans l’esprit des Böhler, une villa devait refléter son impressionnant parcours bourgeois.
Julius Böhler, 8ème enfant d’une famille d’artisans vint au monde en 1860 dans le petit village de Schmalenberg au cœur de la Forêt Noire. À tout juste vingt ans, Böhler vint à Munich et ouvrit son premier magasin dans une rue du centre-ville, la Zweigstraße.
Il se spécialisa dès lors dans la peinture, la sculpture et les œuvres d’art ; Il ouvrit peu de temps après une deuxième boutique d’art dans la rue Sophienstraße. À 35 ans, en raison de son bon feeling pour les besoins de sa clientèle amatrice d’art, il fut nommé par l’Empereur Guillaume II (1859- 941) « antiquaire à la cour royale de Prusse ». Au tournant du siècle, on ne pouvait décrire la carrière de Böhler que comme « couronnée de succès ». Entre 1902 et 1904, on construisit le Palais Böhler au centre-ville de Munich dans la rue Briennerstraße. Il engagea l’architecte de renom Gabriel Seidl (1848-1913) pour en faire les premières esquisses. Tout juste un an plus tard, on nomma à nouveau le marchand d’art plein de mérite « antiquaire à la cour royale » mais cette fois à la cour de Bavière sous le prince régent Luitpold (1821-1912).
En 1906, l’association avec son fils, Julius Wilhelm Böhler, le prépara à prendre la relève tandis que le chef de famille prit lentement sa retraite.
En 1912, Julius Böhler engagea Hans Noris, un architecte munichois connu et très en avance sur son temps et disciple de Gabriel von Seidls de son état. Il lui demanda de concevoir une propriété qui répondrait à toutes les exigences faites à une maison de campagne luxueuse et qui correspondrait au goût et au style de vie du maître d’oeuvre. Tout d’abord prévu comme résidence principale, le Palais Sonnenhof est un bâtiment qui est particulièrement mis en valeur de par sa situation géographique et qui transmet calme et noblesse de par ses lignes architecturales claires.
De 1920 à 1934 : La Villa Böhler devient un centre politique
En 1920, l’ex-femme de Julius Böhler vend toute la propriété pour 1.100.000 de marks au diplomate Johann Heinrich Graf von Bernstorff (1862-1939).
Après l’achat de la villa, Berstorff engagea à nouveau l’architecte Hans Noris pour procéder à quelques modifications dans la construction. La mesure visible depuis l’extérieur était la construction symétrique et identique d’une deuxième aile latérale sur le flanc ouest du bâtiment. Du fait de ces modifications, l’aspect général de la villa en a été encore rehaussé. En outre, des éléments modernes ont été ajoutés comme la baie vitrée escamotable de la véranda.
Et puis avec von Bernstorff, c’est la politique qui fait son entrée au palais. Von Bernstorff qui descendait d’une famille de diplomates germano-danois appartenant à l’ancienne noblesse de Mecklenburg se fit un nom dans la politique en tant que conciliateur et intermédiaire stratégique expérimenté.
Il passa par plusieurs étapes dans sa carrière diplomatique du deuxième empire germanique, entre autres Constantinople, Belgrade, Saint-Pétersbourg, Munich et Londres où il était conseiller.
À la fin de la guerre, on lui proposa le poste de ministre des affaires étrangères qu’il refusa. À la suite de quoi, il quitta son poste actif aux services pour l’action extérieure. Animé par l’envie de se concentrer sur la politique intérieure de l’Allemagne, il prit rapidement un poste au parlement allemand dans les rangs du parti démocratique allemand et garda son poste de 1921 à 1928. En 1922, il fut nommé en outre président de la Ligue Allemande pour la Société des Nations et s’engagea pour l’entrée de l’Allemagne dans la communauté des États. Il représenta l’Allemagne entre 1926 et 1931 en tant que délégué dans les « préparatifs en vue de la conférence mondiale pour le désarmement de la Société des Nations » de Genève. Cela laisse donc à supposer que pendant l’entre-deux-guerres, de nombreuses décisions politiques de portée nationale et internationale ont été prises à la Villa Bernstorff et que beaucoup d’idées d’incitation à la paix y ont vu le jour.
De 1934 à 1945 : Période d’insurrection, du troisième Reich à « l’heure zéro »
Compte tenu de la prise de pouvoir des Nazis qui se dessine à l’horizon, Bernstorff émigra en 1933 en Suisse et finit par vendre le bâtiment en 1934 à Alfred Walz, le fils du futur maire de Heidelberg, Ernst Walz (1888-1966). La famille Walz non plus ne fut épargnée par le régime nazi.
Ainsi, du temps de la république de Weimar, le juriste Ernst Walz était directeur du département pour le droit constitutionnel, l’organisation administrative, la surveillance des communes et caisses d’épargne au Ministère de l’Intérieur et fut également nommé secrétaire permanent en 1932. Comme la mère de Walz était cependant américaine d’origine juive-allemande, on le muta à la Cour des Comptes en 1935. En raison de ses origines, il dut partir en pré-retraite en 1937 pour finalement arrêter définitivement son activité professionnelle en 1942.
Ce qui s‘y passa vraiment durant cette période noire de l’histoire allemande reste sujet de discussion. Cependant une chose est sûre : chaque année passée à la villa a dû laisser ses traces chez ses anciens habitants et hôtes. Un des rares événements qui s’y soit déroulé pendant le Troisième Reich était une cérémonie officielle en l’honneur des vétérans de la Première Guerre Mondiale.
Le groupe de soutien aux victimes de guerre du fascisme, en allemand NSKOV, s’organisa comme celui qui existait après la première guerre mondiale et s’occupa des soldats blessés au front, les familles des morts au combat ainsi que des préoccupations des familles des anciens soldats de la Wehrmacht en général. Ils voulaient garantir qu’ils retrouveraient dans la dignité une place dans la société en tant que « citoyen d’honneur de la nation ». C’est dans cet esprit que le NSKOV planifia la construction de résidences réservées principalement à ce groupe de personnes dans la circonscription de Starnberg. Le 1er avril 1935, on tint alors le « Bouquet Final », la fête traditionnelle qui marque l’achèvement des travaux, en l’honneur de la „ résidence pour soldats nazis du front et membres du parti » en lieu et place de l’ancienne Villa Bernstorff. Dans les murs du Palais Sonnenhof actuel se cachent véritablement l’histoire de toute une nation et les récits de destins très particuliers. Il va sans dire que la Villa Bernstorff servit temporairement de lieu de l’instrumentalisation et de la propagande, mais la propriété a également joué un rôle décisif dans la libération de Starnberg par les Américains.
Au cours des années de domination nazie, les groupes d’opposants se sont rassemblés à Starnberg dans le but de rejeter la tyrannie du régime et d’éviter que la nation déjà tombée dans le chaos ne soit entièrement détruite. Au printemps 1945, le destin de l’Allemagne était déjà tout tracé. L’effondrement militaire était déjà écrit dans le marbre. C’est pourquoi une capitulation stratégique semblait être le seul moyen d’éviter à la ville de Starnberg de couler. Même si cette trahison consciente contre la patrie signifiait également la mise danger de « l’esprit combatif allemand » pour les résistants et le danger d’être condamné à mort.
En 1949, Dr. Hans Deuschl (1891-1953) révéla qu’une réunion décisive eut lieu entre le Dr. Max Irlinger (1913-1969), le commandant SS en poste et lui-même, le 29 avril à la Villa Bernstorff. Il s’agissait d’une réunion fondamentalement décisive pour l’avenir de Starnberg :
Le 27 avril, lors d’un appel à tous les maires et postes de gendarmerie de la circonscription de Starnberg, Landrat Irlinger qui faisait partie des résistants officiels de Starnberg avait « interdit l’organisation de toute résistance à l’avancée des troupes américaines ». Tout juste deux jours plus tard, on a fait arrêter Irlinger par les SS à cause de son appel. Il semble que l’on ne doive qu’à l’intervention du maire de Starnberg de l’époque qu’Irlinger eut la vie sauve et qu’on ait en outre renoncé à une défense inutile de la ville.
Ce qui se dit lors de cette réunion reste un mystère. Le fait est cependant qu’Irlinger fut relâché le soir même et que les SS locaux quittèrent en catastrophe la ville dans la nuit du 29 au 30 puis qu’on abandonna l’idée de toute résistance contre les Américains. Le lendemain après-midi, les tanks des troupes américaines déferlaient dans la rue de Hanfelder. Starnberg capitula et vécut sa libération le même jour, son heure zéro.
De 1945 à nos jours : Des grands projets aux plateaux de tournage
En 1948, Alfred Walz céda le Palais Sonnenhof à sa fille, Edith Walz. Durant l’occupation de l’Allemagne du Sud par les alliés, la propriété fut proclamée état-major régional americain après la guerre, il manque cependant des écrits fiables de l’époque prouvant avec exactitude cette partie de l’histoire de Sonnenhof.
En 1976, la commune de Starnberg racheta la propriété. Dans certaines parties des terres, on construisit d’un côté un complexe résidentiel, d’un autre un hôpital. Quelques années plus tard, on déposa les plans pour la construction d’un hôtel. Plus tard, on parlait d’y construire une résidence pour personnes âgées ; en raison de divergences d’opinion internes, aucun des nombreux projets ne fut réalisé.
Jusqu’à l’acquisition par le EUROPEAN HERITAGE PROJECT en 2002, le bâtiment était resté inoccupé depuis 1990 et n‘était utilisé que rarement pour des événements et des tournages de films. On y tourna par exemple en 1996 le film du metteur en scène allemand Rainer Kaufmann (*1959) « le pharmacien ». Le film d’après le livre du même nom Ingrid Noll’s (*1935) a également largement contribué au succès de Nouveau Cinéma Allemand des années 1990.
ARCHITECTURE
La Villa
Du point de vue du style, on ne peut classer dans un tiroir le Palais Sonnenhof, comme on appelle de nos jours la villa Böhler construite en 1912. La villa conçue par Noris, de construction néo-classique regroupe plusieurs styles.
Ainsi on retrouve des éléments rappelant le baroque et le classique à l’extérieur. À l’intérieur on retrouve Renaissance, Néo-Renaissance et Néo-Maniérisme. Bien sûr, en 1912, ces styles appartenaient à des époques depuis longtemps révolues en Europe. Mais l’adaptation de l’Art Nouveau contemporain de l’époque et de techniques et constructions modernes comme l’utilisation du béton armé dans la statique, sont les signes d’un style éclectique.
Chaque villa construite par Noris à Munich et dans ses environs correspond la plupart du temps à l’Art Nouveau. Cependant dans le cas de cet objet, on ne peut pas l’associer à un style particulier.
Bien sûr certains éléments du Palais Sonnenhof correspondent à l’Art Nouveau, comme par exemple le carrelage des terrasses et balcons ou bien le toit en croupe très rectiligne et pourvu d’une certaine légèreté qui semble être moins lourd et strict que dans d’autres constructions classiques. Mais, comme déjà évoqué, dans l’ensemble des époques diverses se mélangent dans cette propriété chic située sur le mont Hanfelder Berg.
L’éclectisme peut servir de démarcation avec l’historicisme afin d’y classer le pluralisme des styles. Le Palais Sonnenhof offre un exemple parfait de construction éclectique. C’est ainsi que de nombreux néo-styles de l’architecture ne trouvent non seulement un rapport avec l’histoire passée mais aussi un rapport avec le lieu, une caractérisation du projet et une cohérence de la construction. Bien que, contrairement à l’historicisme, on se saisisse d’éléments nouveaux ou modernes pour lesquels on se sert sans limite de diverses techniques et méthodes et on rassemble leurs éléments.
En ayant recours à des styles plus anciens, leur mélange et imitation, on parle bien souvent d’abord et avant tout d’historicisme. L’expression historicisme dans l’histoire de l’art décrit un phénomène très répandu au 19ème et 20ème siècle que l’on retrouve surtout dans l’architecture. Le choix de combinaison de styles qui semble plutôt arbitraire devait avant tout satisfaire aux exigences à caractère représentatif de la riche bourgeoise et créer une impression de haut standing. Cependant, dans le cas de ce bâtiment conçu par l’architecte Hans Noris, il est bon de prendre de la distance par rapport à ce concept d’historicisme, car l’historicisme se consacre uniquement à la copie de certaines époques.
On peut affirmer que l’art et la manière dont Noris a conçu la Villa Böhler et réalisa sa construction étaient sensiblement plus avancés que chez la plupart de ses contemporains qui s’étaient également consacrés à l’historicisme.
Il est intéressant de noter que Noris employa non seulement un aménagement néostyle mais également des techniques de construction avancées. D’un côté, l’usage intensif du béton armé pour la construction du bâtiment est presque exceptionnel puisqu’il s’agit dans le cas des murs, de murs à double paroi (même dans le cas des murs non porteurs) qui se composent de maçonnerie classique à laquelle on a ajouté une couche de béton supplémentaire. L’épaisseur des murs et sa densité étaient extrêmement rares dans les maisons de l’époque et dépassent largement les exigences que l’on attend de la statique de la villa. En outre, l’utilisation rigoureuse du béton en général est extrêmement rare pour l’époque puisqu’en 1916, du fait de la pénurie de matières premières durant la première guerre mondiale, le bureau de l’urbanisme bavarois désapprouvait le gaspillage des ressources.
Un autre exemple de l’utilisation peu conventionnelle de nouveaux moyens techniques de Noris réside dans la verrière entièrement escamotable dans le béton qui est située dans la véranda de la villa. Cette verrière escamotable délimite d’un côté maison et jardin et d’un autre représente une nouveauté absolue de l’ingénierie de l’époque.
On retrouve quelque chose de comparable bien plus tard dans les chefs d’œuvre architecturaux de l’ère moderne comme par exemple à la Villa Tugendhat située à Brno en Tchécoslovaquie qui fut construite entre 1929 et 1930 par le célèbre architecte Ludwig Mies van der Rohe (1886-1969) et qui fait partie aujourd’hui des joyaux de l’ère moderne.
Bien sûr l’éclectisme fantaisiste de Noris constitue un vif contraste avec le minimalisme que l’on retrouvera plus tard dans l’architecture moderne et est ainsi incomparable stylistiquement. Il ne faut cependant pas sous-estimer le fait que l’éclectisme a justement influencé de nouvelles tendances architecturales comme on peut l’admirer dans toute sa beauté au Palais Sonnenhof : le style post-moderne des années 1960 dont le slogan était « anything goes » s’ensuivit.
Du fait de ses façades disposées en symétrie et de son joli toit en croupe, le Palais Sonnenhof offre une image de sérénité. De par le choix des matériaux du terroir, du travail détaillé, les façades font impression, sans aucun artifice, juste par la qualité de l’architecture. La villa a été calculée pour un effet maximum sous tous les angles. Et contrairement à d’autres villas autour du lac qui souvent ne possèdent qu’une façade tape-à-l’œil, ici les quatre façades ont été construites de façon équivalente. La disposition des pièces laisse penser qu’on a souhaité favoriser le sud du fait de sa façade côté jardin donnant de ce côté. Au rez-de-chaussée où on peut trouver des fenêtres arrondies à la françaises, se trouvent les pièces à vivre et de représentation.
L’entrée principale de la villa se trouve à l’arrière du bâtiment et est flanquée de colonnes. Au-dessus se trouve un belvédère, une sorte de patio qui permet une vue d’ensemble sur l’arrière du parc. Les paysages en terrasses du parc apportent un aspect dramatique à la pente naturelle. D’un vestibule voûté et agrémenté de marches en marbre rouge, on atteint les grandes pièces à vivre baignées de lumière naturelle. Au centre on trouve les grandes pièces du salon et du salon de musique dont les fenêtres telles des exèdres apportent à la pièce un air particulier. Cette pièce en forme d’alcôve d’Exèdre, utilisée en élément architectural, à la façon d’une forme d’aménagement pour un salon ou un cabinet particulier pour petit comité, connaissait beaucoup de succès dans l’Antiquité. Aux temps modernes, elle a été redécouverte en Europe comme un composant de l’architecture profane. En particulier à la Renaissance et au Baroque, on recommença à s’intéresser aux exèdres.
Sur les côtés, dans un salon et une bibliothèque se regroupent des plafonds en bois à caisson florentins du 17ème siècle, d’imposantes cheminées en marbre qui nous viennent elles aussi de l’Italie du 16ème ou 17ème siècle ainsi que des chambranles de portes en marbre rouge (des éléments d’architecture d’intérieure) qui apportent aux pièces un caractère chaleureux et tranquille et en même temps une grande résolution. Depuis les modifications apportées par le comte Bernstorff se trouve désormais, derrière la véranda, la salle à manger avec un ascenseur vers la cuisine située au-dessous. Les fenêtres escamotables dans le sol de la véranda sont une véritable particularité. Au premier étage on trouve plusieurs chambres et salles de bains. Celui-ci est aménagé de façon simple et agrémenté de chaque côté par de généreux balcons.
Le parc
Le vaste parc arrangé à l’anglaise s’étend depuis la crête de la colline jusqu’a la rue Oßwaldstraße. Il forme une surface allongée en forme de trapèze qui descend nettement au sud et qui permet ainsi partout une vue dégagée sur le paysage. Tandis que le terrain descend nettement sur sa périphérie est vers la rue Hanfelderstraße, il remonte rapidement à l’ouest pour finalement culminer à un point d’observation panoramique vallonné. Il en résulte ainsi non seulement un dégradé des plus réussis mais aussi la possibilité d’y trouver un système de sentiers très variés. La partie jardin du côté lac est arrangée en parterres baroquisants auxquels on accède par un large escalier depuis la maison située un peu plus haut.
Le parterre est cerné en sa crête par une balustrade en forme d’arc ornée d’une grille décorative baroque. Depuis là, des sentiers mènent des deux côtés à la partie inférieure du parc. Au dos de la villa, on a disposé un aménagement similaire également en forme d’arc ressemblant au parterre avant. Il se trouve au bout de l’allée d’entrée et est délimité par un rempart surélevé et accessible à pied et est agrémenté vers le nord de deux murs de tuf en forme d’escalier. En son milieu, des escaliers mènent vers une des pièces faites de murs en tuf avec des bancs et une fontaine. Depuis cette pièce, partent également vers les côtés des sentiers qui rejoignent la partie arrière du parc. Le parterre arrière aussi est conçu dans un esprit baroquisant strict. À l’ouest de la villa se trouve un jardin décoratif rectangulaire agrémenté d’une fontaine murale. Les sections du jardin parfaitement géométriques qui rappellent directement la villa, forment dans la longue partie en pente, des surfaces en escalier. Grâce à elles, le bâtiment se détache bien des terres tout autour et prend de l’importance. Depuis le jardin décoratif, un étroit chemin monte et mène vers un point d’observation panoramique vallonné agrémenté d’un pavillon ouvert. De là, on parvient à l’arrière du parc en passant par un chemin ombragé à travers un petit bois. Le parc s’étendait à l’origine sur une surface d’environ six hectares et demi, dont il ne reste plus que trois aujourd’hui. La grande pépinière qui fut créée après la deuxième guerre mondiale au croisement des rues Hanfelderstraße et Oßwaldstraße a subi les premières pertes sensibles du parc. Ici se trouvait auparavant un potager et un verger. Le parc placé sous administration municipale se vit encore rapetisser avec la décision de clôturer la moitié du parc pour y construire des immeubles à vocation locative de plusieurs étages ainsi qu’un hôpital.
Bâtiments annexes
Plusieurs bâtiments annexes appartenant au Palais Sonnenhof ont pu être rattachés à la propriété en 2002. Derrière le portail d’entrée de la rue Hanfelderstraße se trouve la maison du gardien et du jardinier ainsi qu’une ancienne écurie et remise pour les carrosses. Comme ces bâtiments annexes se trouvent au même niveau que la rue Hanfelderstraße, tandis que la villa, elle, est située quelques mètres plus haut, ils sont à peine perceptibles depuis la villa. Le terrain de chaque côté de la rue Oßwaldstraße sur lequel se trouvait jadis le vaste verger a été utilisé depuis pour la construction des bâtiments de l’hôpital.
L’ancienne maison du jardinier est devenue une exploitation horticole.
ÉTAT STRUCTUREL AU MOMENT DE L’ACQUISITION
Comme le Palais Sonnenhof est resté inoccupé la plupart du temps depuis les années 1970 et n’a été que rarement loué pour le tournage de films, le bâtiment et le parc n’ont fait l’objet d’aucun entretien pendant plus de trente ans puisque l’intérieur n’avait pas besoin d’être particulièrement opérationnel à cette époque. Il en résulta que les conduites d’eau et d’électricité se trouvaient dans un état vétuste, l’électricité ou le chauffage ne répondant ni aux normes techniques ni aux normes énergétiques en vigueur.
En outre, les fondations et les caves étaient régulièrement inondées et portaient les traces de graves dégâts des eaux. On pouvait également trouver des dommages dus aux intempéries au niveau de la charpente qui en raison des fuites dans le toit de croupe avait en partie pourri. L’intérieur aussi montrait des traces de dommages tandis que toute la façade s’effritait. Par ailleurs, tout le parc se trouvait dans un état déplorable et méconnaissable.
MESURES DE RESTAURATION
Après l’acquisition de la propriété par le EUROPEAN HERITAGE PROJECT en 2002, les mesures de restauration et de réhabilitation entreprises à grands frais ont pu être achevées au Palais Sonnenhof en 2004. Après un processus de revitalisation qui dura au total trois ans, s’ensuivit en 2005 la remise en état du magnifique jardin en dénivelé. C’est en étroite collaboration avec des architectes, des ingénieurs, des restaurateurs, des paysagistes et le bureau de protection du patrimoine bavarois que l’on put redonner ses lettres de noblesse à la propriété éclectique et historique qu’est le Palais Sonnenhof, un témoin majeur de l’histoire animée de Starnberg. Il était pour cela essentiel de combiner divers styles et avec l’amour du détail, de redonner vie au Palais, en particulier en ce qui concerne l’architecture d’intérieur. En hommage à des époques de l’histoire de l’art depuis longtemps révolues, on a consacré chaque pièce représentative du rez-de-chaussée à une époque particulière et on a restauré et aménagé le palais dans l’esprit de son premier propriétaire, Julius Böhler et de l’architecte Hans Noris.
Statique
Du fait de l’inclinaison de la villa, les fondations et la cave du bâtiment subissaient en permanence des infiltrations. C’est pourquoi de l’eau souterraine s’amoncelait en grande quantité sans jamais s’écouler.
Cela mettait toute la stabilité du bâtiment sans arrêt en péril et les parties souterraines de la maison étaient menacées de subir d’autres dommages du fait de l’humidité remontant des sous-sols, en particulier les éléments de l’architecture intérieure, comme les plafonds, les panneaux et parquets en bois.
Afin de stopper ce processus et de réparer les dommages causés, on a dû dégager et emmurer les parties souterraines afin de dévier l’eau de pluie descendant du coteau se s’infiltrer et aussi protéger les fondations et les caves.
Toiture
Une grande partie du toit était victime d’infiltrations. Avec ses différentes inclinaisons et plusieurs lucarnes en chapeau de gendarme ainsi qu’un oriel fermé, on dut donc le rénover entièrement, mis à part la construction de tôle. Les ardoises ont dû être remplacées. Les poutres de la charpente étaient gravement endommagées du fait des intempéries et des infiltrations. Du fait de l’humidité stagnante, les poutres pourries ont dû être asséchées et réparées. Une partie a même dû être entièrement rénovée.
Chauffage, électricité et installations sanitaires
Sans exception, le système électrique, le chauffage et les conduites d’eau et d’électricité étaient dans un état vétuste puisqu’ils n’avaient jamais été entretenus depuis la construction du bâtiment en 1912 et 1920. Toute l’alimentation en eau et en électricité a donc dû être entièrement démontée et rénovée. De même, on procéda au remplacement complet du chauffage central, bien qu’on ait conservé et remonté les radiateurs décoratifs en fonte après leur restauration.
Reconstruction Sols
Dans l’entrée, les sols en pierre d’origine ont été conservés quand c’était possible. Les carreaux endommagés ont été restaurés et les pièces manquantes remplacées. En ce qui concerne les parquets en bois tendre avec leurs bordures en bois dur dans les pièces et les salons du rez-de-chaussée (selon les pièces, on trouvait des motifs très divergents) le bois a pu être poncé, poli et verni grâce à des mesures de maintenance complètes. Les carreaux Art Nouveau orange et blancs sur les terrasses et balcons ont été redressés, restaurés et si besoin remplacés par des répliques précises.
Portes & fenêtres
Les fenêtres à la française à caisson arrondi ont été conservées dans leur état d’origine et juste colmatées. En outre, les chambranles de porte d’origine en bois et parfois en marbre rouge ont été entièrement restaurés sans subir aucune perte.
Parc
Au moment de l’acquisition par le EUROPEAN HERITAGE PROJECT, le parc était revenu à l’état sauvage et envahi de mauvaises herbes demandant ainsi une attention toute particulière au moment des travaux. Les jardins créés à l’image des jardins à l’Anglaise et jadis magnifiques avaient perdu toute semblance de leur gloire d’autrefois et paraissaient méconnaissables. Tout d’abord, certaines parties au nord et au sud du domaine qui ont été autrefois vendues à la ville de Starnberg, ont pu être rachetées. Toutes les cascades, les chemins de gravier et pavés ont dû être renouvelés et les sentiers reconstruits à l’image des plans d’origine. Même le pavillon et la fontaine ont nécessité une restauration complète. Les jardins décoratifs ont été replantés.
La maçonnerie
C’est l’épaisseur surdimensionnée des murs surpassant celle de toute autre construction semblable, même celle des murs porteurs, qui impressionne particulièrement.
Il s’agit ici en partie de murs à double paroi qui sont construits d’une part en maçonnerie traditionnelle et d’autre part sont recouverts d’une couche de béton supplémentaire. En fait, l’épaisseur des murs avec sa construction en béton et acier et sa densité surpasse largement les exigences que l’on attend de la statique de la villa. Il s’agit d’une façon de construire qui rappelle plus celle d’un bunker que celle d’une maison d’habitation traditionnelle. Mais même une telle construction n’est pas insensible aux intempéries et à l’usure du temps. C’est ainsi que les murs ont dû être colmatés à de nombreux endroits avec du matériau de remplissage.
De même la maçonnerie décorative que l’on peut retrouver à de nombreux endroits du parc a nécessité une remise en état complexe. Comme il s’agissait de tuf volcanique qui du fait de sa porosité naturelle est particulièrement sensible à l’érosion, la maçonnerie n’a pas été épargnée par déformations et mauvaises herbes, tout comme les jardins du parc. Les murs au service de l’architecture paysagère ont dû être en majorité redressés et quelques blocs de tuf ont dû être en outre remplacés par un matériau similaire.
Restaurations (œuvres d’art & artisanat, stuc, fresques etc.)
Au cours de travaux de remise en état du Palais Sonnenhof, on ne mit pas l’accent sur une reconstruction en vue d’une utilisation contemporaine mais surtout sur la restauration par des artisans des petits joyaux de la propriété comme les éléments décoratifs et les aménagements historiques. Le maintien des magnifiques plafonds à caisson de style florentin pleins de détails qui se trouvent dans différentes pièces du sous-sol représentait un défi tout particulier. Les panneaux de plafond ont dû être démontés, poncés, vernis et réinstallés. En outre, on a insufflé une nouvelle jeunesse à des ornements aux couleurs contrastées comme les différentes rosaces décoratives en bois en utilisant des techniques de production ancestrales et des compositions spéciales de couleurs, vernis et huiles anciennes.
De même, différents éléments italiens en marbre de style Renaissance provenant du 16 et 17ème siècle, comme des colonnes décoratives, des cheminées et des chambranles de porte, ont dû être restaurés. Les dommages causés par l’acidité pendant des dizaines d’années et qui n’avaient jamais été réparés montraient des signes de brûlure chimique et de fatigue considérable des surfaces jadis brillantes. La roche tendre était même complètement cassée par endroits.
Tous les éléments de marbre ont été nettoyés, polis, réparés puis imprégnés professionnellement.
Le salon de thé inutilisé de l’aile ouest du rez-de-chaussée a été entièrement réaménagé. En hommage à l’idée originale du premier propriétaire, le salon a été aménagé à la manière du néorococo. L’opulence de la pièce désormais pastel et jaune citron a été réinterprétée avec le soutien des restaurateurs, plâtriers spécialistes des stucs et antiquaires. Des stucs restaurés, on a choisi chaque détail avec la plus grande précision, y compris les moulures en stuc des plafonds et murs jusqu’aux miroirs, lustres et meubles rococo en passant par les panneaux muraux.
UTILISATION ACTUELLE ET PROJETS FUTURS