Le EUROPEAN HERITAGE PROJECT ne visait pas seulement à préserver des bâtiments sans vie ou les vestiges historiques, mais à protéger les valeurs culturelles, leur origine et leur tradition.
En 2000 et 2003, le PROJET DU PATRIMOINE EUROPÉEN a pu acquérir deux fermes historiques et régionales uniques en leur genre, mais fortement abandonnées et isolées au début du 17ème siècle dans la municipalité de Reith bei Kitzbühel, dans le Tyrol, en Autriche. Situées à 1 200m d’altitude, sur les hauts plateaux alpins de l’est, à proximité immédiate de la montagne Wilder Kaiser, les fermes à flanc de colline constituent une rareté par rapport à l’altitude plutôt atypique, et témoignent des conditions de vie extrêmement pauvres et inhospitalières du passé, dominées par des terres stériles qui étaient réservées au bétail en pâture.
Impressionnantes par un entrecroisement complexe de structures massives en bois et en pierre, les deux fermes font partie des rares fermes traditionnelles de haute montagne qui ont été conservées jusqu’ici. Les constructions en rondins ont survécu à trois siècles, grâce à un bois incroyablement durable, mais aussi aux fondations remarquablement résistantes, construites dans des roches alpines massives qui ont conservé une solidité incroyable. À première vue, le PROJET DU PATRIMOINE EUROPÉEN s’est rendu compte qu’il valait la peine de préserver cette architecture robuste et distincte au niveau régional.
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Toute la région qui appartenait autrefois au manoir du monastère de Berchtesgaden était célèbre pour ses mines d’argent et de cuivre, et a connu une prospérité économique massive entre le 15ème et 18ème siècle. Pourtant, ce n’est pas seulement l’exploitation minière qui a façonné l’esprit et la mentalité, la culture et l’architecture locales, mais aussi le paysage montagneux accidenté, le climat rigoureux et la vie dans sa simplicité. Ainsi, l’arrière-pays immédiat de Kitzbühel a été façonné de manière cruciale par l’état d’esprit unique du fermier de montagne humble et persévérant et de son pâturage rudimentaire.
Un aspect historico-culturel important que le PROJET DU PATRIMOINE EUROPÉEN a consciemment voulu envisager et protéger en acquérant et en rénovant assidûment ces fermes historiquement liées, selon les techniques traditionnelles du bâtiment.
Cette préservation sincère a pour but de permettre de continuer à façonner le présent et l’avenir, en commémorant le Tyrolien et son pays, en chérissant sa terre natale et, par conséquent, en ramenant un sentiment d’enracinement et de lieu ancrés.
SITUATION AU MOMENT L’ACHAT
En 1999, la maison en bois située à droite se trouvait dans un état de délabrement avancé. Le propriétaire de l’époque, un homme fortement endetté et alcoolique avait négligé durant des décennies le bâtiment du 17ème siècle, rendant l’intérieur pratiquement inhabitable et insalubre. De plus toute la construction menaçait de s’effondrer. Le EUROPEAN HERITAGE PROJECT réussit finalement à acquérir le bâtiment à l’été de cette même année dans le but de le rénover intégralement.
Ce bâtiment fut le premier bâtiment classé acquis par le EUROPEAN HERITAGE PROJECT et il marqua le début d’un engagement durable pour le maintien de la culture et de l’architecture européennes.
Après avoir conclu avec succès les mesures de restauration, le EUROPEAN HERITAGE PROJECT fit l’acquisitionen 2003 des étables situées en contrebas et dépendant de cette même ferme. Par la suite en 2010, alors que son propriétaire
résidant à Munster venait de le mettre en vente, le EUROPEAN HERITAGE PROJECT put racheter le bâtiment plus ancien qui la jouxtait sur la gauche et qui complétait parfaitement aussi bien historiquement qu’architecturalement la ferme acquise en 1999. Les propriétaires précédents n’utilisaient la ferme qu’en résidence secondaire. Elle se trouvait dans un bon état général, bien que la façade eût subi quelques utilisations abusives.
DOMAINE: DES CHIFFRES ET DES DONNÉES
Les cours de ferme datant du début du 17ème siècle, si on les considère dans leur ensemble, représentent un groupement de bâtiments de ferme dispersés. Le complexe est composé de deux grands bâtiments individuels espacés de 30 mètres qu’un petit ruisseau sépare, d’une cabane au milieu et d’une étable en contrebas. Il est fortement isolé, seul un petit chemin mène à la vallée. Les fermes de montagne sont situées à 1200 mètres d’altitude dans la commune tyrolienne de Reith bei Kitzbühel dans l’ouest des hautes Alpes autrichiennes. Les deux bâtiments principaux s’élèvent respectivement sur deux et trois étages. La surface habitable et utile répartie sur les quatre bâtiments comptabilise 610 m2. Le domaine situé sur le haut plateau s’étend quant à lui sur 7,2 hectares si l’on compte ses pâturages et le bois qui y sont rattachés.
HISTOIRE
Entre vie austère et rude climat
Seigneurs, nobles, églises et cloîtres ont contrôlé toutes les structures tout au long du Moyen-Âge. Ils étaient propriétaires ruraux et administraient plus des deux tiers des propriétés foncières du Tyrol à cette époque, ne les allouant que contre le paiement d’intérêts.
Savoir se débrouiller avec le minimum vital a toujours été la force tractrice dans la vie et le travail des paysans. La ferme était le centre et le lieu économique où étaient produits vivres, vêtements, objets du quotidien et bien plus encore. Dans les régions rurales et arides où les paysans ne pouvaient faire pousser que peu ou pas de blé, on développa la production laitière. Ainsi le paysage du Tyrol alpin plus ou moins fertile selon son altitude dictait les conditions économiques de base de la région.
La vie était austère en particulier dans les cours de ferme isolés de haute montagne. Y vivaient des gens extrêmement pauvres. En somme, ces fermes de montagnes datant d’il y a plusieurs siècles sont extrêmement rares, en particulier à de telles altitudes. Elles sont les rares témoins de la vie des fermiers pauvres du Tyrol. Elles nous racontent les histoires souvent transmises de bouche à oreille de ces fermiers de montagnes livrés à la nature et à ses conditions difficiles et pourtant prêts à les affronter résolument et respectueusement.
Ainsi les fermiers de montagne d’autrefois vivaient souvent en autarcie mais leur sort restait cependant entre les mains de la nature et des conditions climatiques. Les années de mauvaise récolte, lorsque le rendement s’avérait plus que maigre et que les provisions ne suffisaient pas à passer l’hiver, les disettes refaisaient régulièrement leur apparition. Les nobles étaient en comparaison très riches puisqu’ils allouaient les fermes aux paysans. Ils réclamaient leur dime quelque fût la récolte, sans se soucier de la subsistance des habitants de la ferme. Ce n’est qu’avec l’abolition du principe de féodalité sous le règne de l’empereur Joseph II (1741-1790) en 1782 que cette exploitation cessa.
Même les vêtements étaient très simples et rares, du moins jusqu’à l’arrivée à la fin du 19ème siècle de vêtements en coton produits industriellement qui étaient plus agréables à porter. Les fermiers de montagne portaient le plus souvent des étoffes en lin, même en hiver car la laine et le cuir restaient inabordables. Le lin était cultivé dans des vallées plus en contrebas puis filé par les fermières pour en confectionner des tissus.
Les conditions d’hygiène étaient également la plupart du temps insuffisantes puisqu’il n’y avait ni salle de bains ni eau courante. Ainsi se lavait-on rarement dans les hauts plateaux. Seuls le visage et les mains étaient lavés régulièrement. Même le linge était rarement nettoyé. Le 18ème siècle vit l’apparition de toilettes extérieures en bois. Auparavant on faisait ses besoins dans l’étable près des animaux ou la nuit depuis le balcon. Le manque d’hygiène s’accompagnait souvent d’infections, coûtant même parfois la vie aux habitants, les soins médicaux étant pratiquement inexistants dans ces endroits particulièrement reculés. Pour de nombreux fermiers, les soins médicaux étaient de toute façon hors de question du fait de leur situation financière précaire. Même le stockage des vivres posait souvent de graves problèmes sanitaires pour les populations autochtones, de la consommation de tous les vivres à disposition, en passant par les moisissures et le pourrissement des denrées. En ce qui concerne la ferme en question ici, la terre pratiquement stérile ne servait qu’à faire pâturer les bêtes. C’est pourquoi on n‘y cultivait pas la terre. De même, la taille des étables montre que même la production laitière y était très réduite bien qu’elle fût la seule source de nourriture sur place, semble-t-il. En effet, les étables offraient de la place pour deux voire quatre vaches. Ainsi l’exploitation d‘une fruitière (NdT : une fromagerie traditionnelle de montagne) sur place en été peut être exclue.
De même l’usure et la fatigue corporelles dues au dur labeur se faisaient ressentir chez les habitants des fermes. Toutes ces conditions pour le moins inhospitalières pesaient sur l’organisme de ces fermiers de montagne.
De même il est reconnu que les pièces à vivre étaient souvent surchauffées et surpeuplées en hiver, puisqu’on y faisait les travaux que l’on ne pouvait pas faire en été comme la couture, le tricot, la réparation de l’outillage ou le filage du lin. Comme on ne ventilait que très peu ces pièces, l’oxygène venait souvent à manquer. On raconte même que lors du filage du lin, certaines fermières perdaient connaissance et tombaient de leur chaise par détresse respiratoire. L’expression autrichienne « sie spinnt » (NdT : elle file un mauvais coton) viendrait de ce genre de situations où la fermière aurait perdu connaissance ou bien ressenti des étourdissements par manque d’oxygène.
La vie de famille chez les fermiers de montagne
Le partage de l’héritage n’était pas une pratique répandue partout dans le Tyrol de haute montagne. Ceci signifie que la ferme était partagée entre tous les descendants. Les fermes partagées par héritage étaient en principe plus grandes puisque plusieurs familles devaient alors y vivre ensemble. Les terres y étaient également partagées et au fil du temps les grands champs devinrent d’étroites parcelles dont les récoltes suffisaient à peine à survivre. Se refermait alors un véritable piège à pauvreté qui finit sans doute par devenir, ici aussi, triste réalité.
Par contre il y avait de nombreuses fermes isolées car le droit de succession y était régulé différemment. L’aîné et le descendant mâle le plus capable héritait de tout. Ses frères et sœurs continuaient souvent à y travailler comme ouvriers ou bien allaient au couvent. D’un point de vue économique, il s’agissait bien là de la meilleure solution. Dans le cas précis de cette ferme, on observa un cas similaire : au 16ème siècle, la mort du père engendra des querelles entre les deux frères. Ils ont dû partager la ferme et les terres qui étaient rattachées au cours d’une dispute. Ensuite, la légende dit qu’ils ne se sont plus adressé la parole. Un petit ruisseau qui coule entre les deux fermes sert encore de nos jours de délimitation naturelle.
La vie des fermiers de montagne était principalement dictée par une certaine forme d’entente cordiale sans vraiment pouvoir s’apprécier vraiment. Plus les gens étaient pauvres, plus le mariage servait de communauté de survie. L’amour et les personnalités n’y jouaient pas de très grands rôles. On devait s’entendre et ce durant toute une vie.
Une vie ensemble sans bonheur faisait ainsi souvent partie du lot. Et la maxime « jusqu’à ce que la mort nous sépare » devait y être suivie à la lettre. Si la femme du fermier venait à mourir, il épousait souvent la sœur de la défunte. Dans cette couche sociale, le mariage représentait ainsi bien plus une union économique nécessaire puisqu’il s’agissait là vraiment de survie. C’était particulièrement pertinent dans le cas des fermières de montagne car elles n’avaient pratiquement pas le droit à la parole. De par la loi, les hommes étaient par tradition tuteurs légaux des femmes, qu’il s’agisse d’ailleurs du père, du frère ou du mari. Les femmes étaient surtout en charge de l’éducation des nombreux enfants et du maintien du foyer.
La femme à la ferme n’avait que rarement l’occasion de s’épanouir. Le mariage était donc par définition une communauté d‘intérêts. Les seuls cas où la femme avait un droit de véto et pouvait prendre les rênes de la ferme étaient si le mari défaillait gravement, mettant alors en danger la survie de la famille à la ferme, comme par exemple pour des faits d’ivrognerie ou de maladie mentale.
Des formes d‘interactions claires étaient nécessaires pour garantir une vie en communauté dans les grandes familles de fermiers. En règle générale, trois générations vivaient sous le même toit. Cette promiscuité forcée de la naissance à la mort resserrait les liens déjà forts dans les familles et faisait naître un sentiment d’attachement émotionnel entre les membres d’une famille.
Un destin souvent tragique frappait la plupart du temps les plus jeunes dans ces zones pauvres du Tyrol. La pauvreté omniprésente et non plus les disettes occasionnelles poussèrent les fermiers de montagne à bout au fil des générations car ceux-ci ne pouvaient pas toujours nourrir leurs enfants à leur faim. Ceci toucha particulièrement durement les familles de fermiers de montagne des cours de ferme des hautes Alpes autrichiennes. Ils proposaient la plupart du temps leurs enfants âgés de 6 à 14 ans sur les marchés aux enfants pour leur faire garder des bêtes ou les faire travailler à la récolte en Souabe. Ils n’étaient pas payés mais recevaient pour leur travail gîte et couvert. Ces « enfants de Souabe » souffraient souvent non seulement du mal du pays mais ne recevaient pas non plus d’instruction scolaire adéquate et subissaient souvent les mauvais traitements ou le despotisme des familles d’accueil.
INFORMATIONS PRÉCIEUSES ET CURIEUSES
Les enfants de Souabe : entre pauvreté et travail infantile
On appelle « enfants de Souabe » ou « enfants de berger » les enfants des fermiers de montagne venus du Tyrol, du Vorarlberg, de Suisse et du Liechtenstein. Depuis le début de l’époque moderne jusqu’au début du 20ème siècle, la pauvreté les poussait chaque printemps à quitter leurs familles, à traverser les Alpes pour rejoindre les « marchés aux enfants » et y trouver du travail saisonnier dans les régions rurales du Bade-Wurtemberg. La « traversée de la Souabe » est citée pour la première fois au 16ème et 17ème siècle mais connut son apogée au 19ème. On estime que cinq à six mille enfants faisaient chaque année la traversée pour travailler à l’étranger dans les fermes en tant que berger, servante ou valet. La raison de cette transhumance humaine était les très faibles rendements de la terre dans ces régions alpines et la pauvreté que cela impliquait pour les paysans qui se voyaient alors contraints d’envoyer un voire même plusieurs de leurs nombreux enfants vers l’inconnu. Les voyages vers la Haute Souabe depuis le Tyrol, le Vorarlberg et la Suisse étaient souvent longs et pénibles. Certains de ces enfants, souvent mal chaussés et mal habillés, devaient passer par des cols comme celui de l’Arlberg qui en règle générale étaient encore enneigés en mars. Ils étaient alors souvent accompagnés d’un adulte, dans la plupart des cas un prêtre, qui s’assurait que les enfants dormaient au chaud dans des étables et qui négociait le prix sur les marchés aux enfants. La construction du chemin de fer de l’Arlberg facilita ensuite les voyages des jeunes Tyroliens. Les marchés aux enfants avaient lieu le plus souvent en mars en Haute Souabe. Puis entre fin octobre et mi-novembre, les enfants faisaient le chemin retour. Dans leurs bagages se trouvaient souvent deux jeux de vêtements, et selon leur âge et le prix négocié, quelques florins.
En 1891, le prêtre Venerand Schöpf et le chef de communauté Josef Anton Geiger fondèrent l’association des enfants de Souabe du Tyrol et du Vorarlberg afin de protéger les enfants du despotisme de leurs employeurs. On dissolut l’association en 1915. Partis de Bregenz, les enfants de Souabe arrivaient à Friedrichshafen par bateaux. Depuis 1891, la rue Karlstraße de Friedrichshafen était la place du marché aux enfants de Souabe. Les enfants qui n’y avaient pas trouvé d’emploi continuaient leur voyage jusqu’à Ratisbonne par train pour y retenter leur chance. En 1908, une large campagne de presse contre le travail des enfants fit la une des journaux aux États-Unis, entre autres contre le marché aux enfants de Friedrichshafen qu’on compara alors à un marché aux esclaves. Malgré l’indignation morale générale jusque dans les plus hauts lieux de la chancellerie impériale, la situation des enfants ne changea guère. Les marchés aux enfants furent abolis en 1915, car après la mobilisation des soldats pour la Première Guerre Mondiale, la présence des enfants était tout à coup nécessaire pour travailler à la ferme et remplacer les proches envoyés au front. Mais ce n’est qu’en 1921 que les « traversées de Souabe » prirent fin, alors que la scolarité obligatoire pour les enfants étrangers fut introduite au Wurtemberg. Le roman de l’écrivain autrichien Othmar Franz Lang (1921-2005) « Hungerweg. Von Tirol zum Kindermarkt in Ravensburg » (NdT : livre non traduit en français dont le titre pourrait être : « la traversée de la faim : du Tyrol au marché aux enfants de Ravensburg »), livre de littérature jeunesse publié en 1989, base son récit sur l’histoire d’un jeune et portraiture ces enfants de Souabe.
En 2012, un projet paneuropéen fut lancé dans le but de rassembler des informations sur les enfants de Souabe, leur histoire et leurs conditions de vie.
ARCHITECTURE
En principe, les fermes séparées en différentes zones ont bien subsisté : pièces à vivre, zone d’élevage, stockage, remise à outils. On y trouve aussi un aménagement typique du Tyrol de haute montagne, séparé du moins visuellement : un double bâtiment mitoyen (un petit bâtiment annexe et une étable séparée). Avec cette ferme à nouveau réunie, il s’agit ici d’un soi-disant « Einödhof », une cour de ferme puisque ce sont bien deux bâtiments séparés et par ailleurs isolés. Le terme « Einöd » vient du vieil haut allemand einōti et signifie « autonome ». En Allemagne du sud, il représentait la plus petite unité de cour de ferme et fut pour la première fois cité dans les Chroniques d’Augsbourg au 15ème siècle ainsi que dans un texte de l’Organisation Territoriale du Tyrol en 1573 sous le nom « ainöden ». Bien que le risque d’incendie fût grand dans les zones très peuplées du Tyrol et qu’on préférait construire en pierre pour l’éviter au maximum, il était quasi inexistant ici. C’est pourquoi on choisissait surtout le bois pour la construction des fermes. Les deux bâtiments disposent d’un couloir central qui longe le faîte et sépare les pièces. Les bâtiments principaux de taille similaire comprennent un rez-de-chaussée partiellement maçonné, enduit de chaux et encastré dans la massive paroi rocheuse. On y trouve également un premier étage complet ainsi qu’un grenier à ossature en rondins. Les ossatures en bois ont toujours été considérées comme une des premières formes de constructions des civilisations occidentales. En effet, il existe de nombreux documents témoignant de cette technique de construction à l’époque préhistorique, surtout en Europe centrale. Elle fut utilisée dès le néolithique, soit 2000 ans avant J.C. Cette technique fut sans doute utilisée sans discontinuer jusqu’à nos jours même si les plus anciennes maisons encore debout ne datent que du Moyen-Âge. Ainsi, ces deux fermes de montagne représentent un héritage culturel européen qui dépasse les limites strictement régionales, du moins architecturalement. Les murs en bois reposant chacun sur des fondations de pierre et en partie sur un cadre de bois dur ont été construits en superposant différentes couches horizontales de bois. Ils sont formés de rondins, de planches ou de bois équarri. Les rondins sont superposés tête-bêche, les côtés fins reposant sur les côtés plus épais des troncs afin de limiter au maximum les pertes. Ces murs se rejoignent aux coins par un système d’assemblage à entailles des différents tronçons. Les arbres sont cloués serrés ensemble. Les cloisons intérieures sont, elles aussi, fixées aux murs extérieurs par système d’assemblage à entailles et les têtes des rondins entrecroisées verticalement sont visibles de l’extérieur. Ce mélange de matériaux et de style de construction sont l‘archétype de la région. Les façades ainsi que les balcons massifs et tous les éléments porteurs, des fondations jusqu’aux charpentes sont constituées de mélèzes enduits d’huile de lin. L’intérieur, des planches de bois jusqu’aux revêtements des murs en passant par les portes et les plafonds sont en pin cembro de la région. Les toits sont, conformément à la tradition, recouverts de tavillons de bois. De plus, les ornements sculptés en bois aux corniches et aux balcons ainsi que les volets aux fenêtres sont peints en vert et tape-à-l’œil. Une des deux maisons d’habitation dispose d’une cuisine munie d’une cheminée ouverte et sert de pièce centrale à vivre et de cuisine. Le poêle qui s’y trouve date du 17ème siècle. Il est en partie isolé à l’aide de faïences et dispose de deux fours. À hauteur de travail se trouve la cuisinière située au-dessus d’un « bac à eau » pour chauffer de l’eau. De plus on y trouve un four noir pour chauffer la pièce et un four de cuisson. Ce poêle surpasse donc de loin les fours classiques dans sa fonction et étant encore en état de fonctionner, il s’agit là d’une pièce rare.
ÉTAT STRUCTUREL AU MOMENT DE L’ACQUISITION
L’état de la ferme située à gauche était désastreux au moment de l’acquisition. Elle était entièrement jonchée de déchets et de bouteilles vides. Le toit en tôle installé ultérieurement était entièrement rouillé et représentait un réel danger car il menaçait de s’écrouler sous le poids de la neige omniprésente en hiver dans ces régions montagneuses. De même, les balcons en bois étaient pourris et inaccessibles du fait du manque d’entretien dont ils avaient souffert. En outre, de nombreux éléments de construction étaient sérieusement attaqués par les vers, ce qui menaçait également la structure de s’écrouler, en particulier la charpente était ici concernée. De plus, tout le système électrique était vétuste, de nombreux câbles étant même à nu dans les pièces à vivre. L’alimentation en électricité et les installations provisoires non-professionnelles représentaient un risque potentiel d’incendie du fait des câbles à nu et du manque d’isolation électrique.
La deuxième ferme classée, achetée ultérieurement en 2010 par le EUROPEAN HERITAGE PROJECT et datant également du 17ème siècle, ne montrait heureusement aucun signe d’humidité ou de nuisibles, bien qu’elle fût construite au moins trente ans avant la ferme voisine, selon les analyses dendrochronologiques effectuées. Néanmoins, l’état de la statique était préoccupant. En effet, la façade penchait fortement vers l’avant ce qui impliquait que toute la maison penchait. On pouvait le voir aux plafonds, sols et dans les murs. En outre, la façade portait les stigmates d’un détournement d’utilisation, telles que des peintures multicolores ou des prises d’escalade sur les murs extérieurs.
MESURES DE RESTAURATION
Dans le cadre des travaux de restauration, on entreprit d’abord des analyses dendrochronologiques pour les quatre constructions en bois afin d’en déterminer professionnellement non seulement l’âge mais aussi la nature des bois utilisés.
Dans le bâtiment acheté en premier, on dut d’abord procéder à un désencombrement systématique, un nettoyage et un séchage des pièces pour pouvoir ensuite s’attaquer aux nuisibles. Les éléments en bois abîmés ou bien cassés provenant de tout le bâtiment ont dû être restaurés, comme par exemple par ponçage et vitrification à l’huile de lin des parties extérieures et à la cire d’abeille pour les parties intérieures. Les bois attaqués aux vers ou bien abîmés par l’humidité ont dû être remplacés.
Pour tous les travaux, on engagea un menuisier-charpentier de renom régional particulièrement familier des techniques et matériaux historiques et traditionnels. Après que la charpente put être restaurée et stabilisée, on procéda au remplacement du toit en tôle rouillée par une reconstruction en tavillons plus adéquate historiquement.
De nouveaux câbles électriques ont été tirés dans toute la maison afin de garantir une alimentation électrique sécurisée. Ensuite on s’attaqua à la restauration du poêle antique âgé de plus de 400 ans dans les faïences duquel on put réparer des fissures.
On refit les joints de certaines pierres de la façade ainsi que l’enduit à la chaux. En outre, on repeint les volets et les encadrements de fenêtre. Celles-ci furent en partie redressées et ajustées. Les vitrages purent être conservés dans leur état d’origine.
En ce qui concerne tous les autres bâtiments, l’étable, la cabane et les deux fermes de montagne, les éléments de bois ayant subi des dommages irréparables ont dû être remplacés par des reconstructions à l’identique. Les autres réparations indispensables ont été conduites comme expliqué plus haut. De même, les toits en tôle ont été ôtés et remplacés par des tavillons comme c’était le cas à l’origine.
Le plus grand défi que représentait la ferme de montagne située à gauche résidait dans le fait qu’elle penchait fortement d’un côté, aussi bien sols que façade avant. Ceci ne put fonctionner qu’en soulevant entièrement et redressant les fondations tout en assurant que la statique de tous les murs porteurs et de la maçonnerie soit conservée. Des fissures dans la maçonnerie et dans la construction de bois ont été réparées. En outre, on dût enlever avec précaution les couches de peinture que les propriétaires précédents avaient appliquées sur la façade ainsi que les prises d’escalade qu’ils avaient installées tout en réparant les trous qu’elles avaient engendrés.
Auparavant, des pylônes et lignes électriques parcouraient toute la propriété. Après consultation avec les services publics municipaux, ceux-ci purent être enterrés. Cela permit de donner une image plus harmonieuse à la propriété et aussi de lui redonner son caractère historique sans compter la création d’un ensemble soucieux de l’environnement entre haut plateau et fermes de montagne.
Pendant les travaux, on fit la découverte d’une source qui permet aujourd’hui d’alimenter en partie le complexe. Pour améliorer les conditions sanitaires générales et la bonne évacuation des eaux sales, on construisit une toute nouvelle fosse septique dans tous les bâtiments.
UTILISATION ACTUELLE